Nos amis des sols : les micro-organismes
En arboriculture ornementale, nous sommes constamment menés à observer les arbres.
Conditions du sol difficiles dans un parc
Les arboristes grimpeurs débuteront leur journée à leur pied, observeront la base, puis le tronc et enfin la couronne. Une fois en hauteur, ils peuvent affiner leurs observations en se déplaçant dans toute la couronne. Dans la majorité des cas, le type de taille sera adapté selon le genre et l’espèce, selon les cibles identifiées à
proximité et tout en prenant en considération le souhait du propriétaire. Ce dernier aura pu noter les quelques branches qui le gênent, obstruant la vue ou encore
l’ensoleillement. Un travail de taille de la couronne sera le plus possible adapté à toutes ces observations.
L’arbre en milieu urbain fait face à de nombreuses contraintes. Lorsque l’on observe une couronne clairsemée, fragmentée ou dépérissante, on met facilement la faute sur un stress hydrique, chose plutôt courante de nos jours depuis que les saisons sont plus chaudes et surtout plus sèches. Des pathogènes et ravageurs, majoritairement parasites de faiblesse, viendront accentuer ces stress. Dans ce cas, le propriétaire souhaitera une intervention dans le houppier, dans le but de supprimer les branches sèches et/ou dépérissantes. L’intervention sera portée sur ce que l’on observe, ce que l’on pense maîtriser. Et trop souvent, une partie plus qu’importante sera oubliée dans toutes ces observations : le sol.
Le sol est un élément primordial pour le développement de toute plante. En milieu urbain, les anthroposols sont un réel calvaire pour nos amis les arbres. Fortement malmenés par la densification des villes et par l’activité humaine, ces derniers sont mis à rude épreuve et ont, sur le court à moyen terme, un fort impact sur la vie dans le sol ; car oui, un sol parfait est extrêmement vivant ! On y trouve toute une panoplie de microorganismes, champignons et bactéries principalement. La vie microbienne est primordiale et trop souvent, elle est détruite. Par qui ? Tenez vous bien : l’Homme et ses mauvaises pratiques.
Non seulement les sols subissent des gros dommages physiques, comme lors d’une construction par exemple (creuse, maniement, déplacement, stockage etc.), mais également chimique, comme lors de l’épandage d’engrais de synthèse ou produit phytosanitaire. Soi-disant utile pour les plantes, libérant l’azote, le phosphore et la potasse, ce fameux « NPK » destiné à apporter aux plantes des compléments d’éléments nutritifs. Tout ceci « dans le but d’améliorer la croissance ou encore d’augmenter la qualité et la productivité… ». Mais surtout, ces engrais détruisent la vie microbienne, rendant le sol dépendant, déstructuré, stérile et encore une longue liste bien d’autres effets négatifs.
Depuis plusieurs années, nous nous penchons de plus en plus sur l’amélioration des conditions du sol et sur les soins racinaires à l’aide des biostimulants. Enrichir les sols en micro-organismes permettra tôt ou tard de s’orienter vers une amélioration des conditions du sol. Survolons quelques biostimulants et leurs bienfaits.
- Ortie : renforçant les défenses immunitaires et
améliorant la croissance grâce à ces propriétés très
riche en sucre. Elle stimule et améliore l’activité
biologique du sol grâce aux nombreux microorganismes
qu’elle renferme. Ses bactéries utiles vont
dégrader la matière organique présente dans le sol et
libérer des minéraux naturellement. - Consoude : riche en oligo-éléments, vitamines et
minéraux dont la potasse et les acides aminés. Elle régénère les sols usés et appauvris par sa richesse en microorganismes spontanés. Elle a également la capacité d’accélérer la dégradation de la matière organique.
- Prêle : riche en oligo-éléments, vitamines et minéraux,
avec une haute teneur en silice, elle renforce les
défenses immunitaires pour mieux résister face aux
pathogènes et ravageurs. Également connue pour la
prévention des maladies fongiques et comme étant
une alternative aux traitements du cuivre et/ou souffre,
qui eux, pollueront les sols (problème bien connu en
viticulture par exemple).
Des biostimulants microbiens sous forme de poudres solubles dans l’eau, existent depuis de nombreuses années. Spécialement conçus pour réapprovisionner les sols de champignons et bactéries en agriculture biologique, ils peuvent tout à fait être, une fois adaptés, utiles en arboriculture ornementale. Ils stimulent naturellement la croissance du système racinaire. Nous vous avions parlé dans de précédentes newsletters des champignons mycorhiziens et de leur très grande importance pour les arbres. Les bactéries quant à elles, fixent l’azote et solubilisent le phosphore qui se trouve dans le sol, tout en étant inaccessibles à l’état naturel. Ainsi, elles mettent à disposition des éléments nutritifs que les plantes seules ne peuvent pas absorber. L’activité du sol augmente automatiquement.
Ces apports peuvent être faits en arrosage ; rien de plus simple. Selon les situations et les conditions du sol, l’utilisation d’un pal injecteur, respectant une faible pression, peut s’avérer utile, permettant ainsi d’atteindre les racines de l’arbre. Nous aimons rappeler que le 80% des racines se trouve dans les 50 premiers centimètres du sol. Les racines fines, ayant le rôle principal d’absorber eau et nutriments, sont en association directe avec les mycorhizes. Il est presque faux de dire que ce sont les racines fines qui absorbent ; car en fait, il s’agit majoritairement de l’activité des champignons mycorhiziens, en symbiose avec les racines de leur(s) hôte(s).
L’association avec le système racinaire d’un arbre permet aux champignons mycorhiziens d’aller coloniser des endroits inaccessibles pour l’arbre seul, favorisant alors un enracinement profond, ce qui permettra à l’arbre de faire des réserves pour mieux supporter les périodes de sècheresse entre autres. Il est donc primordial d’améliorer la population de champignons mycorhiziens dans les anthroposols. Inoculer ces champignons dans le sol est simple et il existe de nombreuses méthodes. A savoir que ces champignons sont présents dans tous nos sols, prêts à s’associer avec une racine. Seuls problèmes : les mauvaises conditions du sol et l’agressivité des engrais NPK. Les bons réflexes pour les arbres sont donc :
- Utiliser un engrais naturel, assimilable par l’arbre sur le court, moyen et long terme (par exemple la poudre de corne sera plus rapidement assimilable dans le sol que la raclure).
- Améliorer la couche d’humus, par apport d’un mulch et/ou par l’épandage de bois raméal fragmenté, très riche en carbone rapidement mis à disposition dans le sol.
Alors, dans quel camp se positionner : ajout d’engrais de synthèse et arrosages fréquents pour un résultat verdoyant, pour obtenir des arbres biberonnés et sous tutelle? Ou améliorer la vie microbienne d’un sol et retrouver un sol fertile, riche en éléments nutritifs et oligoéléments, vivant, avec une structure et une profondeur durable grâce notamment aux infatigables laboureurs ? Car oui, vous retrouverez même des vers de terre, et leur travail est gigantesque, méritant également une place dans notre prochaine newsletter. Notre choix semble tellement logique, mais je ne voudrais surtout pas influencer le vôtre…
Thibaut Leuba